[PORTRAIT] Mélanie Berger-Volle : mémoire de résistante

Il est de ces femmes qui marquent, des personnalités résolument modernes, sur qui le temps semble ne pas avoir de prise. À l’aube du 8 mai… et de ses 100 ans, Mélanie Volle, qui vit aujourd’hui à Saint-Étienne, nous a conté son histoire.

Elle aurait pu être aigrie par toutes les épreuves traversées. Il n’en est rien. « J’adore la vie, elle est belle. Je suis contente quand je vois la lune et le soleil. Et les fleurs. » Mélanie Volle affiche un optimisme déconcertant. Une soif de justice également : « Il ne faut pas oublier que d’autres n’ont pas ça. » Les autres, justement, elle en a fait partie, il fut un temps. Celui de l’Autriche de la Seconde Guerre mondiale, quand on naît parmi les Juifs et qu’on est pourchassé pour ses idées. Et pourtant, elle ne s’est jamais résignée. La résistance : une seconde nature pour cette amoureuse des livres, dynamique et altruiste, au caractère affirmé. Difficile de croire que cette femme pleine d’esprit et coquette va souffler ses 100 bougies. « J'ai un âge avancé mais je ne suis pas vieille ! » Encore très active, elle sort en toute autonomie de sa résidence où elle veille, un brin maniaque, à ce que le ménage de son logement soit impeccable. On la croit volontiers quand elle nous fait part de son goût pour le sport. « Quand j’étais jeune, je jouais au ballon, faisais du handball, je nageais, j’étais toujours en mouvement. » C’est donc cela son secret ? De quoi nous donner l’envie de chausser les baskets !

" Je voulais changer le monde."

AU NOM DE LA LIBERTÉ

« Je respecte les gestes barrières mais j’ai la chance d’être libre. » Car ce n’est pas la crise sanitaire qui effraie cette figure de la Résistance : « Toutes les guerres ont une fin. » Une guerre qui fait écho aux nombreux combats qu’elle a menés, dès son plus jeune âge. « Quand on me donnait des ordres, je ne supportais pas, il fallait toujours m’expliquer pourquoi. » Un brin avant-gardiste, elle se souvient d’avoir intégré à 15 ans le parti des Socialistes Révolutionnaires d’Autriche (RSÖ). Des réunions qu’elle faisait… en tenue d’Ève. « Tous les mouvements étant interdits, on se réunissait clandestinement sur une plage de la Lobau au milieu de naturistes. Quand je le raconte, tout le monde en rigole. »
Son militantisme la propulse parmi les indésirables du pays. « Pour moi, la religion ne fait aucune différence. Je ne comprenais pas les nazis, je suis contre les dictatures. » Rapidement, le danger la guette. « En mars 1938, Hitler entrait en Autriche. Anschluss. » Mélanie manque d’être arrêtée par la Gestapo et prend la fuite avec deux amis. D’abord en traversant l’Allemagne en auto-stop pour gagner la Belgique, puis la France. « Pour nous, c’était le pays des droits de l’Homme. J’ai déchanté un peu au commencement mais j’ai trouvé les gens quand même formidables. » Aidée de son nom à la consonance française, elle échappe plusieurs fois à la détention et continue à militer contre le régime hitlérien comme « Anna » et « Nelly », ses pseudonymes dans la Résistance. Mais le 26 janvier 1942, sa vie bascule. « J’ai été arrêtée à Montauban. Plus ils me battaient, plus j’étais dure. Je leur ai craché dessus. » Condamnée à 15 ans de travaux forcés, elle est d’abord incarcérée à Toulouse, puis aux Baumettes, à Marseille. « Cette prison venait d’être construite. Il y avait encore des trous pour certains tuyaux par lesquels on pouvait communiquer. » Bien qu’affaiblie par une très forte jaunisse et privée de ses vêtements pour une tentative d’évasion avortée, elle réussit à mener à bien, avec son groupe, une opération préparée pendant de longs mois. « Je me suis évadée de la prison des Baumettes juste avant la Déportation, en chemise de nuit ! C’était quelque chose de formidable. » Elle retournera en Autriche en 1957 pour rendre visite à ses parents. C’est là qu’elle rencontre par hasard Lucien, un journaliste haut résistant. « On s’est regardés et on ne s’est plus jamais quittés. » Elle témoignera avec lui auprès des jeunes générations. Un récit qu’elle poursuit seule depuis son décès en 2012, avec le Mémorial de la Résistance et de la Déportation de la Loire. « Résister, c’est essentiel. Il ne faut pas oublier qu’Hitler est venu au pouvoir légalement. Mieux vaut vivre debout qu’à genoux. »

>> EN 5 DATES

1957
Rencontre avec Lucien Volle. Ils se consacreront ensemble à un travail sur la mémoire.

1943
Évasion spectaculaire de la prison des Baumettes

1942
Arrestation en France puis emprisonnement

1938
Traversée de l’Allemagne en auto-stop vers la Belgique

8 octobre 1921
Naissance à Vienne (Autriche)

Crédit photo : Auuna

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