[PORTRAIT] Pierre Boulez, adieu maestro

IL AURAIT EU 91 ANS EN MARS. LA DISPARITION EN JANVIER DU COMPOSITEUR ET CHEF D’ORCHESTRE PIERRE BOULEZ A SUSCITÉ UNE VAGUE D’ÉMOTION DANS LE MONDE ENTIER. NATIF DE LA LOIRE, CET AVANT-GARDISTE A BOUSCULÉ LES CODES DE LA MUSIQUE CONTEMPORAINE. RETOUR SUR UNE CARRIÈRE EXCEPTIONNELLE.

En 2011, il avait tenu à se rendre de Lyon à Montbrison en train, « pour revoir les paysages ». Pierre Boulez était originaire du Forez, où il avait gardé des liens d’amitié forts. Il grandit dans une famille bourgeoise aux côtés de sa soeur Jeanne et de son frère Roger, fréquentant le petit séminaire montbrisonnais, aujourd’hui collège Victor de Laprade. Vers l’âge de six ans, il débute le piano, s’initie au chant choral et à la musique de chambre. « C’est dans cette ville que j’ai eu mes premières émotions musicales », confiera-t-il par la suite. 

Brillant élève, ce fils d’ingénieur choisit d’exprimer dans la musique ses prédispositions pour les mathématiques. Il rejoint la capitale où il intègre la classe d’harmonie avancée d’Olivier Messiaen au conservatoire. Déjà, son caractère s’affirme et le Forézien n’hésite pas à contester l’enseignement de son professeur, qui lui dispense pourtant des cours gratuitement. Il se rapproche un temps de René Leibowitz, adepte du dodécaphonisme, une forme de composition alors chère à la musique contemporaine.

Redoutable théoricien, le jeune prodige se révèle aussi visionnaire et son instinct le guide très tôt vers des artistes qui l’aideront à lancer sa carrière. Il commence à gagner sa vie comme musicien aux Folies Bergères, tout en livrant ses premières oeuvres. Puis rejoint la compagnie de théâtre Renaud-Barrault, où il fait ses débuts en tant que « chef de la musique ». En parallèle, il compose Le Marteau sans maître, une pièce qui détonne par sa modernité.

 

" Il faut aussi rêver sa révolution,
pas seulement la construire."

 

En 1957, Pierre Boulez se retrouve propulsé à la tête d’un orchestre symphonique pour remplacer Hermann Scherchen. Sollicité dans la foulée pour se substituer à d’autres chefs, il ne tarde pas à se faire remarquer par son niveau d’exigence et son style inimitable, très épuré et sans baguette. Sa réputation se propage à l’international, tant et si bien qu’il dirige l’orchestre de la BBC et, dès 1965, celui de Cleveland, l’un des meilleurs aux États-Unis.

Mais ses prises de position dérangent. Il critique publiquement les choix musicaux du gouvernement français et s’attire les foudres du ministre de la Culture de l’époque, André Malraux. L’artiste signe un billet cinglant dans la presse et s’exile à Baden-Baden, en Allemagne. Accueilli à bras ouverts à l’étranger, il continue à diffuser ses idées à travers le monde. La consécration arrive en 1971 : il succède à Leonard Bernstein à la direction musicale de l’orchestre philharmonique de New York.

En 1976, le « maître » accepte de revenir dans l’Hexagone pour fonder l’Ensemble intercontemporain, puis ouvrir l’IRCAM, véritable laboratoire de la création musicale. Il y conçoit plusieurs de ses oeuvres majeures, notamment Répons, et s’impose dans le paysage musical. Son apport au répertoire contemporain est à la mesure du personnage : révolutionnaire.

Souvent craint pour son intransigeance artistique, parfois décrit comme un « Dieu de la musique inapprochable et intouchable », ce monstre sacré savait pourtant se montrer simple et accessible, notamment avec ses étudiants, qu’il passait beaucoup de temps à conseiller. Modèle d’énergie créatrice, il aura continué à composer et à diriger aux quatre coins du monde jusqu’à ses dernières années. Pour le chef ligérien Daniel Kawka, un de ses plus fervents disciples, c’est le « dernier génie de la musique du XXe siècle » qui vient de nous quitter. En laissant toutefois un riche héritage : « L’homme disparaît mais sa musique reste. »

>> En 5 dates

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  1958
  Installation en Allemagne

  1971

  Direction de l’Orchestre philharmonique de New York

  1976
  Création de l’Ensemble intercontemporain

  1977
  Inauguration de l’Institut de recherche et coordination acoustique /       musique (IRCAM)

  1981
  Création de Répons, une de ses oeuvres majeures

Crédits photos : Harald Hoffmann et Jörg Reichardt / Deutsche Grammophon
 

bonus web
LE MAÎTRE DANS LA LOIRE

Ces dernières années, Pierre Boulez s’était rendu quatre fois dans notre département :

En 1991, il a dirigé un concert à Montbrison en présence de nombreuses personnalités, dont Mme Georges Pompidou.
En novembre 1999, il a inauguré le Centre musical Pierre Boulez à Montbrison.
En 2003, il a donné un concert au Centre de congrès de Saint-Étienne.
En 2011, il est retourné à Montbrison pour assister à l’enregistrement de deux de ses œuvres par l’Ensemble orchestral contemporain (EOC), sous la direction de Daniel Kawka.

 

+ D'INFOS

UN ENFANT DU PAYS

Découvrez les origines et l’enfance de Pierre Boulez à travers une sélection de documents conservés aux Archives départementales de la Loire.

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