[FOCUS] Festival des Cannes : casting en classe senior

Un tapis rouge, des projections, un jury, une ovation… ce sont dix maisons de retraite qui concourent avec leurs résidents pour le prix du meilleur court-métrage.

Moteur, action… L’oeil rivé sur la caméra, Philippe Crozier et son équipe tournent « Une nuit de rencontres », un court métrage fait de balades nocturnes et chassés-croisés improbables… au bout de la nuit. Leur lieu de tournage ? Le Mail, un foyer-résidence pour personnes âgées à Firminy. Le scénario ? Un projet écrit par les résidents et les équipes de la maison de retraite, sélectionné par l’association du festival et réécrit sur place au moment du tournage. À l'initiative de la filière gérontologique de la Vallée du Gier, ce projet un peu fou est né dans les méninges de deux Philippe, Vallet, infirmier hospitalier épris d’altérité, devenu président de l’association, et Crozier, réalisateur-documentariste, élevé à l’école du professeur Bertrand Schwartz (créateur des missions locales) et membre de son équipe "Moderniser sans exclure".

UNE AVENTURE COLLECTIVE UNIQUE
Leur idée est simple : mobiliser autour d’un tournage, des résidents, leurs familles, les équipes soignantes, pour fabriquer un objet de cinéma fignolé par des pros. Et concourir ainsi à un festival, avec montée des marches, standing ovation… et déambulateur. « Il y a des ressources incroyables dans ces lieux de vie », témoignent les deux acolytes. « Une énergie folle bouillonne immédiatement, les mémoires se rembobinent, on se maquille, se motive. Le tournage crée de la tension et de l’envie ». Emballée par le projet, la mutuelle Malakoff-Humanis a d’emblée accepté de le financer. Parce qu’elle sait que toutes ces histoires singulières créent un collectif unique. « J’ai des souvenirs dingues », confie Philippe Crozier : « Une personne atteinte d’Alzheimer soudain impliquée et attentive aux consignes. Un vieux monsieur tétraplégique qui a tenu à jouer un mourant… Au détour d’une scène au Chambon-Feugerolles, un acteur-résident m’a confié avoir été le pianiste de Jacques Brel ». Toute cette symphonie, écrire, réfléchir, se concerter ; concourir, accueillir, se préparer, répéter ; finaliser, visionner, défiler, applaudir… transforme le quotidien des résidents, des équipes et des techniciens en aventure unique, où le temps est compté et la performance attendue.

LA 3E ÉDITION EN PRÉPARATION
Après deux éditions, le festival revient : les foyers, EHPAD et résidences de la Loire seront appelés à concourir au début du printemps pour des tournages prévus d’ici la fin de l’année. Après le montage et la post-production début 2024, les festivaliers seniors sont attendus dans un grand cinéma ligérien avec leurs familles, des professionnels du cinéma et les soignants qui les ont aidés. Les précédentes éditions ont vu certains lauréats gagner des prix dans des festivals spécialisés. Il se murmure qu’après les avoir encouragés, les promoteurs du festival de Cannes, celui sur la Croisette avec des acteurs connus, ont fait machine arrière. L’empire du cinéma craindrait-il la concurrence ? C’est dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleurs soaps*.

*feuilletons en plusieurs épisodes

+ D’INFOS
www.festivaldescannes.fr

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