[PORTRAIT] Mieux vaux prévenir que guérir : Professeur Franck Chauvin

On rêve tous de panacée. Franck Chauvin, lui, croit en la prévention. Il a fait de la lutte contre les inégalités sont combat. « Que tout le monde accède à la prévention réduirait les importantes différences sociales constatées dans notre pays ». En 2014, l’oncologue crée à Saint-Étienne le centre Hygée, plateforme de santé publique unique en son genre dédiée à la prévention des cancers, qui dépend du Cancéropôle Lyon Auvergne-
Rhône-Alpes. Si la déesse de la thérapeutique Panacée est immortellement connue, celle de la prévention, Hygée, bien qu’essentielle, demeure discrète. Un peu comme son disciple Franck Chauvin.

PROFESSEUR STRATÉGIQUE

Après avoir étudié à la faculté de médecine, la bio-statistique et la bio-pharmacologie (évaluation de l’efficacité des traitements) à Lyon, le professeur Chauvin opte pour la « stratégie » plutôt que d’endosser machinalement le stéthoscope. Il choisit la cancérologie pour le rapport
humain et rationnel à la santé. « Quand j’ai débuté en oncologie, je me suis demandé pourquoi on ne faisait pas davantage de prévention. Nous savons que les personnes à risque de forme grave sont essentiellement celles qui sont déjà malades, qui souffrent de maladies chroniques.
Or, la France compte un nombre de malades chroniques très important », observe le professeur de santé publique à l’université Jean-Monnet de Saint-Étienne. Les déterminants de santé ne se limitent pas à l’activité physique ou à l’alimentation. Prévenir, c’est aussi agir sur des caractéristiques qui peuvent sembler éloignées de la santé : « comme le mal-logement, l’aménagement du territoire, l’éducation… » D'où l'importance d'adapter les actions de santé publique à tous les niveaux. « Les collectivités territoriales ont un rôle majeur à jouer parce qu’elles ont dans leur périmètre de nombreuses compétences qui concernent la santé et la prévention : écoles, environnement, transports, logement, culture,
etc. Je suis heureux de voir qu’elles ont pris conscience de leurs responsabilités en matière de santé publique. Je suis alors optimiste pour l’avenir ». Puis d'ajouter : « 40% des cancers pourraient être ainsi évités ! » Investi, il participe en 2017 à la création de l’Institut universitaire de prévention et de santé globale, Presage, au sein de l’université Jean-Monnet de Saint-Étienne. « L’éducation joue un rôle majeur », reprend le professeur. « Elle
conditionne dès nos plus jeunes années nos comportements en matière de santé ». En 2019, le cancérologue mène avec son équipe une expérimentation au sein des écoles baptisée « Alliance ». Elle présente les bonnes pratiques en termes de bien-être et de santé.

MAÎTRE DE LA GESTION DE CRISE

En 2020, le pays est sous tension avec une pandémie encore jamais égalée. Élu président du Haut Conseil de de la santé publique, Franck Chauvin, plus que jamais mobilisé, se retrouve sur tous les fronts, 24h sur 24, 7 jours sur 7. « Masques, confinement, déconfinement, ouverture et fermeture des écoles… Nous avons répondu à plus de 150 demandes d’avis. » Il « dessine » la santé publique de demain sous forme de rapport au ministre de la santé de l’époque, Olivier Véran. Avec des objectifs redéfinis, il rédige des propositions pour combler le retard français, l’évaluation de notre système de santé et sa capacité à réagir face aux crises. Son implication dans la lutte contre la Covid-19 ne passera pas inaperçue. Le 25 octobre 2022, le président de la République lui remet la Légion d’honneur, la plus haute distinction française. Humble, le professeur n’est pas un adepte des honneurs : « J’ai contribué à la gestion d’une crise. Ma décoration est celle d’une institution. » D’ailleurs, Franck Chauvin reste modeste. « Je suis plutôt mitigé. Des questions me hantent souvent : a-t-on bien fait ? Qu’a-t-on loupé ? Il est difficile de conseiller dans de tels moments d’incertitude. » Mais le professeur Chauvin ne changerait de métier pour rien au monde. « Ou seulement si c'est pour devenir un constructeur qui
faciliterait la vie des gens. Avec une partie liée aux solutions technologiques et l'autre à l’environnement. » Et si on lui demande où est-ce qu'il exercerait ? « Je suis Lyonnais, personne n’est parfait ! Mais je resterais à Saint-Étienne ! » Comme quoi, bien qu’il en porte le nom, le professeur n’est
pas chauvin.

*il s'agit de la plus haute discipline française. Depuis deux siècles, elle est remise au nom du Chef de l'état pour récompenser les citoyens les plus méritants, dans tous les domaines d'activité.