Les renouées asiatiques : caractéristiques et lutte par la résistance biotique

Les renouées asiatiques font partie des espèces les plus problématiques en Europe. Originaires d’Asie du Sud-Est, elles colonisent en France les zones rudérales et les cours d’eau générant de véritables problèmes de gestion.
Devant la difficulté posée par la lutte contre les renouées, une piste de recherche et de gestion prometteuse consiste à restaurer la végétation native pour la rendre plus résistante face à l’invasion.

Les invasions biologiques végétales

L’invasion biologique est un phénomène qui correspond à l’introduction volontaire ou non, d’une espèce végétale loin de son espace géographique d’origine. Le succès d’invasion et d’établissement d’une espèce exotique résulte de son aptitude à passer différents filtres biotiques et abiotiques. La survie de l’espèce dans un nouvel habitat et son taux de croissance sont affectés par ces filtres, ce qui impacte la capacité de colonisation de l’espèce. La faculté des espèces végétales exotiques à s’établir et à s’étendre dans une nouvelle aire géographique peut ainsi être impactée par la résistance biotique des espèces autochtones. Cela se traduit par une compétition interspécifique entre l’espèce exotique et les espèces natives du milieu. La capacité de dispersion de l’espèce exotique joue un rôle important et impacte sa répartition. L’écologie des invasions représente une thématique majeure qui relève de deux grands axes : les stratégies de l’organisme invasif lui conférant un pouvoir envahissant et l’invasibilité de l’écosystème, c’est-à-dire la résistance de l’écosystème à l’invasion.

Schéma de l’invasion biologique (Levine et al. 2004, Theoharides et al. 2007, Richardson et al. 2000)

La résistance bitotique

La résistance biotique est un phénomène qui décrit la capacité des espèces autochtones d’une communauté à réduire le succès d’invasion des espèces exotiques. Ce succès dépend des espèces natives présentes dans le milieu, caractérisées par des traits fonctionnels qui les rendent plus ou moins compétitives face aux espèces exotiques.

 

D’où viennent les renouées asiatiques ?

Le complexe Fallopia est composé de deux espèces parentales, la Renouée du Japon (Fallopia japonica) et la Renouée de Sakhaline (Fallopia sachalinensis), et du taxon hybride représenté par la Renouée de Bohème (Fallopia x bohemica) qui résulte de nombreuses hybridations entre les deux espèces parentales et les hybrides eux-mêmes.

La Renouée du Japon est décrite pour la première fois par Houttuyn en 1777. Elle est importée du Japon et introduite en Angleterre par Philipp Von Siebold, médecin et naturaliste bavarois, en 1848. Elle remporte la médaille d’or de la Société d’Agriculture et d’Horticulture, pour ses propriétés ornementales. Largement commercialisée, elle se propage ensuite un peu partout en Europe, avant de devenir une redoutable invasive.

Durant la deuxième partie du 19e siècle, une autre espèce est également introduite en Europe, la Renouée de Sakhaline (Fallopia sachalinensis), à partir d’une île russe située dans le nord-ouest de l’océan Pacifique, au large de la Sibérie. Cette espèce est la moins représentée en Europe.

Le croisement de ces deux espèces introduites a donné la Renouée de Bohème (Fallopia x bohemica) qui s’est développée dans les jardins anglais aux alentours de 1872. Cette espèce est la plus compétitive du complexe puisqu’elle possède les caractéristiques avantageuses de ses deux espèces parentes.

La Renouée de Boukhara (Fallopia baldschuanica), observée en France depuis 1904, est principalement présente sur la frange méditerranéenne, notamment dans les ripisylves et les arrièresdunes. Elle peut s’hybrider avec Fallopia japonica.

À partir de 1950, l’invasion des renouées s’est accélérée sur tout le territoire, plus uniquement par sa commercialisation pour ses qualités ornementales mais également du fait du développement des activités humaines et de l’urbanisation.

Comment reconnaître la renouée ?

Allure générale de la renouée

Les renouées asiatiques sont des plantes herbacées terrestres vivaces, à tiges aériennes annuelles qui forment des patchs buissonnants de plusieurs dizaines de mètres de circonférence. Elles possèdent de longues tiges aériennes cylindriques, vertes avec des tâches rougeâtres pouvant atteindre une hauteur de quatre mètres. Les feuilles sont opposées et alternes sur l’axe des tiges. Des inflorescences composées de minuscules fleurs blanches sont pr ésentes à l’aisselle des feuilles et se transforment en akènes (fruits secs indéhiscents à graine unique) lors de la fructifica tion. Le système souterrain est composé de rhizomes qui leur permettent de coloniser un milieu rapidement. Les racines quant à elles ne bouturent pas. Les rhizomes peuvent s’étendre sur plusieurs mètres et atteindre une profondeur d’au moins deux mètres.

Vue en coupe et comparaison des feuilles

Vue en coupe de la renouée asiatique

RENOUÉE DU JAPON 
Fallopia japonica
Origine géographique : Asie orientale
Nom anglais : Japanese knotweed
Autorité : Houtt., 1777

Feuilles de 8 à 12 cm
Base tronquée
Absence de poils
sur la face inférieure

renouee-japon 
RENOUÉE DE SAKHALINE
Fallopia sachalinensis
Origine géographique : Nord du Japon
Nom anglais : Giant knotweed
Autorité : ( F. Schmidt) Nakai, 1922

Feuilles de 25 à 40 cm
Base cordée
Poils visibles à l’oeil nu
sur la face inférieure

renouee-sakhaline
RENOUÉE DE BOHÈME
Fallopia x bohemica
Origine géographique : Asie
Nom anglais : Bohemian knotweed
Autorité : Chrtek & Chrtkova, 1983

Feuilles de 12 à 25 cm
Base cordée à tronquée
Poils possibles
sur la face inférieure

renouee-boheme

Cycle de vie

cycle-vie-renouee 

Mode de reproduction

Une double reproduction sexuée et végétative est possible. La plus répandue est la multiplication végétative par la propagation des fragments de rhizomes. Plus rarement, ce phénomène a lieu à partir des noeuds de fragments de tiges aériennes.

F. japonica n’est présente en Europe que sous la forme d’un clone ne portant que des fleurs femelles. Ce clone se propage végétativement mais peut produire des akènes si du pollen de F. sachalinensis ou F. x bohemica arrive sur les fleurs et les f éconde.

F. sachalinensis et F. x bohemica produisent quant à elles des pieds avec des fleurs hermaphrodites et des pieds avec des fleurs femelles. Il y a donc de nombreuses hybridations interspécifiques possibles, leur conférant une capacité évolutive élevée. La reproduction sexuée est efficace et permet la production d’akènes ailés et flottants fertiles.

Habitat

Les renouées asiatiques affectionnent particulièrement les milieux humides et lumineux, notamment au bord des cours d’eau. Elles sont également à l’aise dans les milieux perturbés et anthropisés.

Les sites à faible richesse spécifique végétale, comme les remblais constitués de gravats et terres sèches et argileuses, facilitent le développement des espèces exotiques.

Pourquoi dérangent-elles ?

Aptitudes compétitives

Les renouées asiatiques possèdent de nombreux traits fonctionnels leur conférant un pouvoir compétitif important : une croissance rapide, un système de rhizomes très performant, une capacité de régénération importante à partir des rhizomes et des tiges. Un morceau de rhizome de renouée est en capacité de se régénérer à partir d’un poids de 0,7 g dans des conditions optimales. Les modes de dispersion sont principalement l’eau et le transport de terres contaminées. Le système de double reproduction (végétative et sexuée) permet aux renouées d’avoir une dispersion et une colonisation très efficaces et rapides. Les rhizomes constituent des organes de réserves permettant à la plante d’avoir une croissance rapide et un feuillage abondant. De plus, des métabolites présents dans les rhizomes influencent le cycle de l’azote en modifiant les activités bactériennes de nitrification et dénitrification. Elles accumulent ainsi du nitrate dans leur rhizosphère, ce qui favorise leur croissance au détriment des autres plantes. Leurs longues tiges et leurs nombreuses feuilles à grands limbes privent de lumière les autres espèces végétales du milieu. Additionnée à cela, la chute des feuilles en hiver engendre une couche importante de litière sur le sol qui, comme l’effet d’un paillage, limite également le développement d’autres espèces et permet aux renouées asiatiques de passer la mauvaise période (automne/hiver) en limitant le risque de gel. Elles produisent par ailleurs des composés allélopathiques (composés chimiques) phyto toxiques, antifongiques et antibactériens qui peuvent impacter fortement les espèces végétales voisines.

Les précédents programmes de recherche avaient permis d’évaluer les performances des renouées en situation de stress ou de perturbation. Ainsi, les renouées asiatiques possèdent :

  • Une capacité de dispersion des graines et plantules importante dans l’eau : après 2 jours en eau agitée, 50% des akènes flottent et sont capables d’être dispersés et après 28 jours dans l’eau, les akènes sont encore viables.
  • Une résistance au stress nutritif : le manque d’éléments nutritifs n’a pas d’impact sur la hauteur des plants.
  • Une résistance aux perturbations : la coupe de la tige n’a pas d’effet sur la masse aérienne et l’application de sel est tolérée, même si les renouées montrent une certaine sensibilité au stress salin.

Des milieux naturels déséquilibrés

Les aptitudes compétitives des renouées asiatiques leur permettent de coloniser de nouveaux milieux. Cela impacte l’équilibre de certains écosystèmes en diminuant le nombre d’espèces végétales et animales natives du milieu. Elles offrent des habitats et des ressources pour certaines espèces comme les abeilles, néanmoins, un massif de renouées appauvrit très fortement le milieu. La formation de massifs monospécifiques peut engendrer également des problèmes liés à la déstructuration de constructions, de l’aménagement ainsi que de la signalisation routière. De la même manière, elles sont responsables de la déstabilisation de berges, de digues et entravent des barrages lorsque des cannes et des rhizomes sont transportés lors de fortes pluies ou inondations saisonnières. Les renouées peuvent également limiter ou bloquer l’accès aux cours d’eau à cause de leur développement important, ce qui peut nuire aux activités de loisirs ainsi qu’à l’entretien des ouvrages d’art. En outre, en créant des milieux monospécifiques, elles contribuent à l’homogénéisation et la banalisation des paysages.

Comment agir ?

🖐 Actions préventives

Risque d'apparition (terrain propice : site humide ensoleillé avec peu de végétation)
Éviter son apparition >> Plantation d’espèces compétitrices et d’un couvert végétal diversifié et dense + Arrachage manuel si apparition d’un individu (tiges aériennes + rhizomes)

Pas de risque d'apparition ou risque limité (terrain peu propice : site sec avec une végétation importante)
Éviter son installation >> Maintien ou installation d’un couvert végétal diversifié et surveillance + Arrachage manuel si apparition d’un individu (tiges aériennes + rhizomes)

✋ Actions de lutte

Pas d'enjeu identifié
Limiter sa propagation >> Installation d’une barrière verte ou d’un couvert végétal diversifié + Arrachage manuel des tiges aériennes + Surveillance du site

Enjeux sécuritaires, environnementaux et/ou d’usages
Présence limitée
Éviter son installation >> Maintien ou installation d’un couvert végétal diversifié + Arrachage manuel (tiges aériennes + rhizomes) + Surveillance du site

Présence modérée
Limiter son installation >> Installation d’une barrière verte + Arrachage manuel des tiges aériennes + Surveillance du site

Présence forte

  • Réduire la hauteur des massifs → Coupe des tiges
    Couper les cannes 20 cm en dessous de la hauteur souhaitée, au moins 3 fois par an. Attention aux effets secondaires de densification du massif.
  • Stabiliser le foyer → Installation d’une barrière verte
    Planter de la ronce à 1 m du massif à stabiliser. La quantite de ronce au m² dépendra du site sur lequel on souhaite mettre en place cette barrière végétale. Laisser les herbacées s’installer.
  • Éviter la dispersion naturelle par les graines → Fauche manuelle ou mécanique des sommités florales Faucher les parties en fleurs au moment de la periode de floraison et avant la montee en graines. Période indicative : fin septembre/début octobre selon la météo et le site.
  • Éliminer le foyer → Extraction et évacuation de la terre contaminée par les rhizomes
    Décaisser toute la zone de présence des renouées sur au moins 1 m de profondeur (plus si possible).
    Cribler la terre (tamiser la terre avec un maillage de 10 a 20 mm pour séparer la terre des morceaux de rhizomes), la réutiliser ou l’évacuer et rapporter de la terre végétale saine. Reconstituer un couvert végétal avec des espèces compétitrices. Surveiller et arracher les repousses (plantes + rhizomes) durant 3 ans.
  • Limiter l’expansion pour limiter de nouveaux foyers → Protocole résistance biotique
    Installation d’une espèce végétale compétitrice + fauche sélective répétée d’avril à octobre (ne retirer que les tiges de renouées afin de laisser la flore locale se développer) + surveillance accrue du site.

 

Contact

PÔLE AMÉNAGEMENT ET DÉVELOPPEMENT DURABLE
Direction de l’Eau, de l’Environnement, de la Forêt et de l’Agriculture
22 Rue Paul Petit - 42000 Saint-Etienne

Élu de référence

FRECHET Daniel
M. FRÉCHET Daniel
8e vice-président
Eau-Environnement
Préservation et valorisation des ENS et des milieux naturels – Cadre de vie – Sensibilisation à l’environnement – Planification stratégique – Accompagnement des collectivités et autres structures – Accompagnement des usages agricoles
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