[PORTRAIT] Sya Dembelé, le break dans le sang

Et si la France s'offrait une médaille à l'été 2024 en la personne de Sya Dembelé ? Membre de l'équipe de breaking, la jeune Stéphanoise rêve de Jeux Olympiques. Son récent palmarès l'y autorise et son crew l'encourage. 

 

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Ce n’est pas qu’elle abhorre les journalistes. Simplement qu’elle aspire au calme, tant se montrent curieux les médias depuis six mois. Pas du genre à se faire mousser B-girl Syssy, en dépit de son palmarès. Troisième au championnat du monde de break en septembre, la jeune fille évolue à Saint-Étienne dans le décor suranné de la rue Henri-Gonnard : feuilles mortes massées aux pieds des garages peints, vieillissante école des Beaux-Arts. Dissimulée sous les frondaisons du jardin, un vantail de fer, porte ouverte sur l’underground. C’est d’abord le noir, puis la blancheur dépouillée des salles de danse.

Melting force répète ici, entre miroirs et grappes de prix. Membre du crew, Syssy a trouvé dans le break un mode d’expression. « Les battles, l’ambiance, la musique, tout me parle », clame l’adolescente d’1m75. Le corps fin, noyé dans un survêt, n’a plus d’appétit ce jour pour l’exercice.

« Trop crevée », confie Sya Dembelé, de retour de l’Insep (Centre d’entrainement et de préparation olympique et paralympique). L’athlète a cet automne rejoint la team du pôle France. Elle partage, depuis, son quotidien entre Paris et la Loire (deux semaines ici, deux là-bas), inscrite en seconde générale par correspondance. Résolue à concilier études et sport de haut niveau.

 

Je veux un diplôme, au cas où. Il m’a fallu renoncer à l’école traditionnelle, une décision difficile. Pourtant, je ne le vis pas mal. Maintenant, en cours, il n’y a plus que moi et moi.

 

Elle retrouve ses camarades sur le tapis des Ursules. Familier, de valeur. « J’aime être ici. Je ne veux pas quitter ma mère, je n’ai que 16 ans ! Et je ne veux pas perdre ce pourquoi j’ai commencé. Ma salle, mes sources. C’est ici que je puise mon inspiration. Et puis le break est une question de transmission et de partage. »

Dans son dos, un enduit défraichi. Sya Dembelé semble avoir toujours connu ce jaune flétri. Fille de danseurs (ses parents, séparés, évoluent dans la compagnie Doni doni), elle baigne dès la naissance dans la musique africaine. À 4 ans, elle accompagne son frère aîné, Damani -autre prodige du break, futur modèle et partenaire- aux entraînements de Melting force. À 5 elle se lance. À 8, intronisée, elle s’impose sur le Baby battle pro (championnat de France des moins de 12 ans). « C’est là que je me suis dit : "je vais faire ça toute ma vie" ».

Elle aurait pu être gymnaste à haut niveau

Ses codes, son style, empruntent à la gymnastique. Normal. Adepte de la discipline, elle fut longtemps pressentie pour une carrière tricolore. « Il fallait faire un choix », sourit-elle. La jeune fille aime à l’occasion ponctuer ses moves d’un salto. Sa grande souplesse est un atout, sa dynamique aussi alors que se jouent qualif’ et médailles sur 45 secondes d’impro. « Nous ne connaissons pas la musique à l’avance. Il faut s’adapter au rythme, à l’adversaire. Séduire le jury. » Tout est dans l’instant. L’humeur. Le flow.

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Un jeune Padawan la regarde effectuer un freeze « pour la photo ». « Ta main, Sya ! » corrige son coach, Sofiane Kinzi, entraîneur des Bleus. Interrogé, le maître se fend d’un bref commentaire : « Ce qui la différencie des autres ? Son caractère, son tempérament de compétitrice, sa détermination ». Fin de l’éloge. Le duo se veut réservé.

En 2022, la jeune fille était déjà parvenue en finale du Red Bull BC One, plus grande compétition internationale dans l’univers du break. « Le Graal ! » De très bon augure avant les Jeux 2024 alors que deux étapes restent à passer au printemps pour s’offrir une chance de danser sur la place de la Concorde. Sya philosophe : « C’est un honneur de représenter la France et je vais me donner les moyens. Mais je ne me mets jamais la pression. J’essaye juste de vivre le moment présent. »

>> En 5 dates

1er septembre 2007 : naissance à Saint-Priest-en-Jarez

2016 : championne de France à 8 ans en compétition avec les Melting Force

2020 : le break entre aux Jeux olympiques. Sya se met en tête de danser place de la Concorde

Novembre 2022 : échoue en finale du deux contre deux au Red Bull BC One à New-York mais l’un de ses passages compte parmi les vidéos les plus likées de l’événement

2023 : premiers résultats en compétitions internationales (deux médailles de bronze en championnat d’Europe et du monde). « C’est là que j’ai vraiment trouvé mon style de danse », confie la B-girl

 © Pierre Grasset

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