[DOSSIER 1/3] Loire, terre de pêche
Le Département investit dans la préservation des étangs, classés Espaces naturels sensibles. La démarche est environnementale, économique, touristique et patrimoniale.
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On se les figure plus qu’on ne jouit de leur spectacle. Retranchées derrière digues et buissons, des centaines d’étangs trouent le sol de la plaine. Creusées sous l’impulsion des comtes du Forez, ces pièces d'eau furent d’abord le domaine réservé des moines. Au XIIIe siècle, les robes de bure se dotent, via la pisciculture, d'un moyen d’égayer les jours maigres (on jeûne 100 fois l’an au Moyen-Âge). Quand vient l’heure du choléra. Accusés d’abriter le mal, ces milieux humides sont asséchés. Les deux tiers disparaissent. 350 perdurent. Un trop petit nombre pour imaginer soutenir la comparaison avec la Dombes ou la Sologne. Mais suffisant pour constituer encore un enjeu patrimonial.
« De nombreuses espèces d’oiseaux nichent dans les roselières, sur les îlots ou encore dans des nids fabriqués à partir de végétaux aquatiques. Les étangs sont de vrais réservoirs de biodiversité », indique Marie-Hélène Petit, chargée de mission au Département.
La collectivité, copropriétaire de l’étang David avec la commune de Saint-Just Saint-Rambert, de l’étang des Plantées à Saint-Marcellin-en-Forez et, c’est tout nouveau, de l’étang de la Ronze à Craintilleux, a choisi de concourir à leur préservation et tend la main aux privés.
587 000 € votés sur cinq ans
Les propriétaires, en conventionnant pour cinq ans avec le Département, accèdent à des aides techniques et financières « notamment calculées en fonction de la surface en ceinture de végétation », explique Marie-Hélène Petit. Ils s’engagent, en contrepartie, à respecter quelques principes de « bonne gestion ». Par exemple, à ne pas réaliser de travaux pendant la période de nidification.
31 sont ainsi liés par contrat avec l'institution (91 étangs au total). 587 000 € ont été engagés sur la période 2018-2023, dont une partie destinée à la mise en assec.
« Une pratique conseillée tous les cinq à dix ans. On ne remplit pas l'étang après la vidange et la pêche automnales. Cela permet aux vases de se minéraliser, aux graines de plantes enfouies dans la vase de germer. L’étang n’en est ensuite que de meilleure qualité. La pratique est courante dans la Dombes mais peu répandue dans le Forez. Nous souhaitons l’encourager ».
En chiffres
350On dénombre 350 étangs dans la plaine du Forez, répartis en trois grandes "plaques" autour de Feurs, Arthun et Mornand (1 500 hectares). 3 tonnesLa quantité de poissons (carpes, tanches, gardons et brochets) pêchée chaque année à l'étang David. La pisciculture permet de valoriser la carpe sous forme de rillettes.
4 Le nombre de programmes "étangs" déjà menés par la collectivité.
Les premières aides remontent à l'an 2000.
Parole d'élu
Daniel Fréchet
Vice-président délégué à l'Eau et l'Environnement
« La pisciculture étant moins pratiquée car moins rentable et l’entretien des étangs demeurant très coûteux, il existe un fort risque de déprise. Nos actions ont pour but d’aider au maintien de ces écosystèmes ».
Pourquoi il n'y a plus d'eau dans l'étang David : l'éclairage de Daniel Fréchet
L’étang David a été vidangé puis pêché fin janvier. Depuis, la terre est à nu. Pourquoi ?
Parce que nos suivis scientifiques ont mis au jour, à l’été 2023, la présence de Jussie rampante, une espèce exotique envahissante, capable d’étouffer la végétation environnante. Un premier chantier d’arrachage s’est tenu à l’automne avec 15 bénévoles, des agents du Département et des services techniques de la commune.
Professionnels et bénévoles ont sorti de l’eau trois tonnes de végétaux. Insuffisant ?
Nous avons nettoyé à la main les deux tiers de la surface colonisée sans pouvoir tout enlever. C’est pourquoi nous avons opté pour une stratégie plus radicale. L’étang a été mis en assec. Une entreprise interviendra mécaniquement en juin pour faire disparaître toute trace de Jussie. Nous effectuerons ensuite une repasse mensuelle jusqu’à l’automne.
La remise en eau pourrait donc intervenir en fin d’année ?
Oui, nous espérons ré-empoissonner au printemps 2025. Tout dépendra des résultats de notre veille.
Le site est très apprécié des Ligériens. Les attentes seront fortes…
60 000 personnes fréquentent annuellement le site. C'est pourquoi nous nous devons d’être exemplaires.
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Investissements
© Pierre Grasset