[PORTRAIT] Maurice Empi, THE artist
Elle nous parle d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Dominique Koslowski raconte son père, Maurice Empi, artiste né dans la Loire et comptant parmi les derniers peintres historiques de Montmartre. Portrait.
Le 2 septembre 2024
Ce contenu vous est proposé en lien avec l'association "Donne-moi tes yeux".
Midi. Maurice Empi enfile son chapeau. Il déjeunera dehors. Âgé de 91 ans, l’homme a ses habitudes dans le quartier. On dresse pour lui le couvert au Café de la poste ; dernièrement dans quelques enseignes corses et portugaises des Grandes Carrières. On connaît dans le 18e ce visage ridé au sourire franc, cette aimable figure barrée d’épaisses lunettes noires. D’aucuns le surnomment le « dernier peintre historique de Montmartre ».
Il faut, 5 rue Armand-Gauthier, lever les yeux vers l’élégante façade pour embrasser du regard son cadre de vie, son espace de travail. Huiles et palettes encombrent le salon. Combien de toiles peintes ici en sept décennies ? 3 000 au bas mot, sans compter ses œuvres de jeunesse. Des vues de Paris, cafés, terrasses… Chevaux et jockeys aux casaques flamboyantes dont on pourrait croire les silhouettes échappées d'un champ de courses forézien. Une source d’inspiration ? Peut-être. Car Maurice Empi a d’abord connu la Loire.
Originaire de Montrond-les-Bains
Né à Saint-Étienne en 1933, il passe cinq années en Forez (sa mère, Marie-Antoinette Escot, est originaire de Montrond-les-Bains) avant que ses parents ne montent à la capitale. Son père travaille dans la mécanique ; c’est à Montmartre qu’il choisit d’implanter son usine d’écrémeuses. Il ne rêve pour son fils que de succès industriels et commerciaux mais l’inscrit à un cours de violon, sitôt déballé les cartons, pour l’éveiller aux arts. Maurice Empi se prend d’affection pour l’instrument. Ses sonorités l’accompagneront dans les plus douloureux instants de sa vie (le décès brutal de son père en 1948, des suites du tétanos) comme dans les plus beaux (son mariage avec Hélène Maillard en 1951).
« Mon père peignait en écoutant Mozart, Beethoven. De la grande musique, confie Dominique Koslowski. Il ne dormait pas plus de 4 heures par nuit, se levait très tôt pour peindre, ne supportant pas le regard des autres. Seule ma mère était autorisée à lui tenir compagnie ».
Le couple est fusionnel. Trois enfants naissent : Dominique, Olivier, Jean-Paul. « Montmartre en ce temps-là - Accrochait ses lilas, jusque sous nos fenêtres », chante Aznavour comme la famille se lève et se couche au rythme de La Bohème.
« Lorsque l’argent rentrait, raconte Dominique, nous descendions à Saint-Tropez passer trois mois en bord de plage. Puis au retour, c’était café au lait et patates à tous les repas, le temps de vendre de nouvelles toiles. Nous étions très heureux. Nos parents nous éveillaient aux belles choses ».
« Coloriste audacieux », « peintre du mouvement », dixit le critique d’art Marc Hérissé, ne cherchant pas la gloire, Empi est un perfectionniste. Capable d’enchaîner les longueurs de natation à l’aube, d’enquiller les kilomètres à vélo au bois de Boulogne. Ski, voile, varappe, il n’est pas une activité dans laquelle il ne se donne corps et âme. Exigeant de toute la maisonnée pareil niveau d’implication : sa femme excelle dans le tir à l’arc (championne de France en 1986), ses deux fils sont ceintures noires de judo.
En peinture comme ailleurs, il n’est pas question d’amateurisme. Bien que plus lent avec l’âge, Maurice Empi œuvre toujours en son atelier. Une série d’autoportraits l’occupe depuis deux ans. « C’est un passionné, murmure sa fille. Un homme en quête du Beau geste ».
>> En 5 dates
31 janvier 1933 : Naissance à Saint-Étienne, au 8 rue Conte Grandchamp.
1949 : Il quitte à 16 ans le lycée Chaptal pour entrer à l’École Technique Supérieure "Art et Publicité" de Montparnasse où on lui conseille de se consacrer à la peinture.
1950 : Gen Paul l’accueille pour trois années d’apprentissage au sein de son atelier parisien.
1959 : Empi est exposé à Londres puis à Nagoya et Tokyo. Il est à noter que le Forézien n’a jamais peint sur la place du Tertre. On peut se faire une idée de son travail sur www.mauriceempi.com
2013 : Le peintre retrouve la Loire pour ses 80 ans. Son travail est exposé aux Foréziales (Montrond-les-Bains), dans l’enceinte du groupe Casino à Saint-Étienne et lors de la Journée des peintres de Rochetaillée. Il a toujours de la famille dans la région.
© Maurice Empi