[PORTRAIT] Loïc Vergnaud, plus haut, plus fort, plus vite
Loïc Vergnaud s'est illustré cet été aux Jeux de Paris 2024. Amputé de la jambe droite, le para-cycliste sur route mène une brillante carrière à haut niveau.
Publié le 4 novembre 2024
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Le métal pèse lourd dans la paume. Les palets d’argent sont massifs, épais comme deux biscuits bretons. D'une saveur sans égale. Double médaillé paralympique, Loïc Vergnaud a retrouvé mi-septembre les petites routes de la Loire. Il reçoit chez lui, sur la commune de Saint-Haon-le-Vieux : bel extérieur, coquette maison. Ce bricoleur avoue consacrer l’essentiel de son temps libre à la rénovation, l’essentiel ne signifiant plus grand chose en période de compétition. Séances de musculation, sorties sur route, home training... Ses journées ont une régularité de métronome. « Le boulot », glisse-t-il, impassible.
Accident du travail
Son parcours débute fin 2004. À l’époque employé des Eaux minérales de Saint-Alban, le jeune électrotechnicien reçoit le poids d’un chariot élévateur sur les jambes. De ce corps meurtri, les médecins ne parviennent à sauver que le côté gauche (il gardera néanmoins des séquelles). Pour le droit, c’est l’amputation.
Loïc Vergnaud se réveille un 26 décembre alors que tournent en boucle à la télé les images du tsunami indonésien. Horreur confuse. De cet accident, il parle sans pudeur. Comme pénétré de ce dicton : « À quelque chose malheur est bon ».
La rééducation passe par le sport. Un voisin de chambrée l’initie au foot béquille. Il écume les terrains aménagés sans renoncer aux stades classiques ; à Saint-André d’Apchon, le Roannais a retrouvé ses potes et son équipe loisirs, au poste de gardien. Sa prothèse, cela dit, gêne ses mouvements. C’est un ami du Handisport Roannais, Jean-Paul Michel, qui l’oriente vers le handbike.
Changement de catégorie
« Ici, on passe aux choses sérieuses », prévient un petit écriteau, clouté sur une porte de la maison. « Garage de Loïc », ajoute le cartouche. Trois vélos suspendus aux cloisons meublent la remise. « Aucun fabriquant de handbike ne travaille en France pour le haut-niveau. On crée soi-même son vélo, confie l’athlète. Il y a beaucoup d’adaptations à penser. Je fais un peu de carbone et beaucoup de mécanique ».
Le quadra a longtemps couru couché. Classifié comme tel jusqu’en 2017, il fait preuve d’une étonnante vélocité. Mais un changement de catégorie s’impose pour passer à l’international. Ce grand tatoué dépourvu de souplesse doit reprendre les bases. « Il m’a fallu travailler la position, l’élasticité, enchaîner les kilomètres ».
N°2 derrière Mitch Valize
Cinq ans qu’il a lâché son job de technicien du cycle chez Décathlon. Sponsorisé par la Caisse d’Épargne et les Douanes, le Ligérien vit aujourd’hui de ses performances. Un rêve d'enfant.
Toutes ces années, je n’ai eu qu’un objectif, battre l’homme qui me précédait au classement. Jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un.
Son ultime adversaire porte le nom de Mitch Valize. De nationalité néerlandaise, il cumule 11 médailles d’or. Un ovni, inatteignable. « J’ai 45 ans, il en a 29. Ma carrière est plutôt derrière moi », concède le Roannais, lucide. Il n’exclut pas de s’envoler en 2028 pour Los Angeles mais réserve son arbitrage pour la fin d’automne. Il sera le fruit d’une décision familiale car Loïc Vergnaud ne vit pas seul sa passion. Son fils, sa fille, font depuis dix ans le sacrifice de congés estivaux (pas question de s’absenter en pleine saison) et sa femme partout l’accompagne.
À elle l’intendance, la gestion des réseaux sociaux et le volant du camping-car. Les quatre sillonnent ainsi les grands pays d’Europe. Mais c’est dans le Roannais que Loïc Vergnaud actionne le plus souvent son pédalier. Peut-être le croiserez-vous au hasard de vos déplacements routiers. L’ascension du col de la Croix-du-Sud a ses faveurs : 12 kilomètres de côte peu fréquentés.
>> En 5 dates
1er décembre 1978 : naissance à Saint-Martin-d’Estreaux.
21 décembre 2004 : accident du travail aux Eaux minérales de Saint-Alban
1er novembre 2006 et 7 janvier 2012 : naissances de son fils et de sa fille
Avril 2021 : première victoire au Tour des Flandres, difficile course de 80 km gagnée au sprint contre deux Hollandais
2020 et 2024 : double médaillé d’argent aux Jeux de Tokyo et de Paris
© Pierre Grasset