[PORTRAIT] Alexandra Charroin Spangenberg : patronne des libraires

Co-gérante de la Librairie de Paris à Saint-Étienne, Alexandra Charroin-Spangenberg a pris le 29 septembre la présidence du Syndicat de la librairie française. Essai de biographie. 

Publié le 6 janvier 2025

 

 

Ce contenu vous est proposé en lien avec l'association "Donne-moi tes yeux".

La tablette de chocolat ne fera sans doute pas la journée. On dit le cacao efficace contre le stress. Alexandra Charroin lui confère tout pouvoir pour modérer son anxiété. Nouvelle présidente du Syndicat de la libraire française, la Stéphanoise s’agace de la dernière traitrise d’Amazon : jouer sur la gratuité des frais de port pour voler des recettes aux très fragiles libraires indépendants. « Un scandale », lâche cette grande brune, née Parisienne.

L’histoire la fait diplômée de Sciences po. Incapable d’imaginer à 22 ans « quoi faire de sa peau », engagée par la Fnac, elle se tourne en 2005 vers le petit commerce. À Saint-Étienne d’abord, Firminy ensuite (chez Préface) puis Montbrison (où elle se voit confier la création du fonds Plein ciel- Teyssier). Avant de recevoir en 2014 la visite d’un confrère et ami, Rémi Boute. Elle pense « invitation barbecue ». Il vient lui parler business.

 

p-38---Alexandra-Charroin-4 

 

La Librairie de Paris est à vendre ; un paquebot comme on en fait peu dans les mers de l’édition : deuxième plus grosse librairie indépendante d’Auvergne-Rhône-Alpes derrière Les Volcans de Clermont-Ferrand, 30 salariés, 5,5 millions de chiffre.

Logiquement, le vertige l’assaille. Il est de courte durée ; les nuits blanches seront plus difficiles à juguler. « Parce que, confie-t-elle, dans ce genre d’opération, on fait tapis. On engage jusqu’à notre chemise ». Sans compter l’investissement en temps. Chaque année en décembre, mari et enfants (elle en a trois) font le deuil de sa présence. « J’ai leur soutien », glisse celle qui porte désormais l’avenir de la profession.

La force du collectif

750 librairies adhèrent au Syndicat. 3 500 en dépendent. Elle croit à la force du collectif, aux vertus de la culture livresque, défend une offre diversifiée : « la garantie d’une société apaisée ». Son prêche ne date pas d’hier (elle était déjà co-présidente de l’association Chez mon libraire) mais sa voix porte aujourd’hui dans les couloirs des ministères.

Aux voyages professionnels s’ajoutent réunions en visio depuis son bureau. Un lieu refuge, étonnamment chaleureux, abritant familles de cactus et dessins d’enfant. Et puis au mur, un célèbre Van Gogh.

 

p-38---Alexandra-Charroin-2

100 romans par an

Tâches administratives, management, encaissements (« parce qu’il nous arrive de remplacer des collègues »)… On l’imagine s’écrouler le soir de retour à la maison. « Jamais sans m’être plongée dans un roman », précise la quadra. Elle en dévore 100 par an. Lui confisquer ce plaisir serait la mettre au supplice, vider d’un trait « l’eau de son bocal ».

Longtemps, le mal des transports a nourri chez elle les pires frustrations. « Impossible de lire. Quel temps perdu ! J’écoute aujourd’hui des livres audio… Parfois j’entends mon mari et mon fils parler cinéma et je me dis que ma culture pèche sacrément en ce domaine mais il faut faire des choix ». Une dépendance assumée, quasi maniaque (elle a tout pouvoir au petit déj’ sur le paquet de céréales, seule source d’écrit sur la table).

 

J’ai vécu 1 000 vies avec les livres.

 

Quelles furent les meilleures ? Elle grimace. « Ne me parlez pas d’île et de naufrage, il me faudrait m’échouer avec le coffre ». On insiste. Elle cite Maupassant, Zola, Dumas, London… Et de manière plus contemporaine Rowling (« C’est par le biais d’Harry Potter que j’ai mis mon mari à la lecture »), Baricco, Markley, Fermine, Hinkson, Ferdjoukh. D’un enthousiasme non feint et communicateur. « Les Stéphanoises qui lisent sont dangereuses », assure une affiche punaisée au mur. Redoutables sans doute, brillantes assurément.

>> En 5 dates

9 mai 1980 : Naissance à Clamart dans le 92.

1999 : Arrivée à Saint-Étienne. Son futur époux est Ligérien. Après deux années à la Sorbonne, elle s’inscrit en fac de philosophie à Lyon puis à Sciences po. Son grand-père lui demande ce qu’elle « va foutre à Saint-Étienne ». Elle lui rétorque que les gens et les paysages sont incroyables. Elle n’a, depuis, jamais cessé de randonner en nature, avec une préférence pour le Pilat et le Crêt de la Perdrix.

Août 2003 : Premiers pas dans le monde de la librairie.

Novembre 2016 : Rachat de la Librairie de Paris, rue Michel-Rondet à Saint-Étienne.

29 septembre 2024 : Élue présidente du Syndicat de la librairie française.

© Fabrice Roure

Printer-friendly version - New tab Envoyer à un ami Haut de page :