
[PORTRAIT] Juliette Arnaud : drôle de dame
Comédienne, actrice, scénariste, romancière, Juliette Arnaud présente La Dernière, tous les dimanches, sur Radio Nova. Originaire de Saint-Étienne, la quinqua se livre sans fard et sans blabla.
Publié le 3 mars 2025
Ce contenu vous est proposé en lien avec la Bibliothèque sonore de Saint-Étienne.
De son logement parisien, on ne devine rien. Un simple mur de bois blanc emplit tout le cadre de l’écran. La connexion est mauvaise mais la voix claire. Familière. Elle le serait pour n’importe quel vieux fan de Par Jupiter ! (émission de France Inter dont elle assura longtemps la coanimation avec Charline Vanhoenacker). Une drôle de proximité s’établit. Genre causette amicale. Où l’on se retrouve, on ne sait trop comment, à parler ménopause. Pas un moment sympa, confie Juliette Arnaud, la fraîche cinquantaine. « L’âge est dur. Il faut le dire aux femmes plus jeunes : bordel que ça tangue ! »
Pas de chichi chez cette native du coin, entrée en Comédie au terme d’un an de prépa Sciences po. « Ma mère avait conclu que c’était bon pour moi. Et puis je me suis choisie, moi, mais ça s’est avéré assez bordélique ».
Elle se présente en 1992 au cours Florent, assurée de son imposture. Ses camarades n’ont jamais vécu que par et pour le théâtre ; elle débute. Au jury, elle confesse avec humour sa tardive prise de conscience, l’intuition vague d’un costume (enfin) taillé pour elle. Admise. L’évidence se confirme. Elle planche avec Corinne Puget et Christine Anglio sur l’écriture d’une pièce. « Parce qu’on savait qu’on ne nous proposerait jamais rien. C’était avant MeToo. Les comédiennes se devaient d’être lisses, des toiles vierges…»
Arrête de pleurer Pénélope est un succès. « À partir de là, tout a été très hasardeux ». Le cinéma, la télévision, la radio… Les propositions s’enchaînent. « J’ai eu du bol ».
Trois romans personnels
Les frisottis blonds lui tombent sur les épaules. Elle porte une veste norvégienne rouge. Le temps est à l’hiver, la mode aux chalets suisses. La neige et les frimas lui rappellent plus souvent qu’à l’ordinaire ses origines ligériennes : Saint-Étienne, ses « caillantes invraisemblables », ses balades à ski dans le Pilat, avec son frère. « Ma mère y tenait beaucoup. Ainsi se sont forgés mes goûts d’adulte ».
De ses 13 premières années, elle garde l’image précise d’un instituteur, M. Grousson, en poste à Tardy. « J’ai toujours eu des problèmes de confiance en moi. Ce que j’ai acquis, en ce domaine, je le lui dois ». La confidence la bouleverse. Elle s’essuie les joues d’un revers de manche. Putain d’hormones.
Se ressourcer dans les Cévennes
Dix ans qu’elle n’a plus remis les pieds dans la Loire, de peur d’y croiser des fantômes. « Remarquez, je ne vais pas davantage au Maroc (elle y a suivi ses parents adolescente, N.D.L.R.). Je ne suis pas assez costaude pour ça ». Quand elle quitte la capitale, c’est pour aller se ressourcer dans les Cévennes. « Ma mère s’est installée dans le Sud de l’Ardèche. Je vais marcher, un des trucs que je préfère au monde. Trouver des coins d’eau, me baigner, écouter les oiseaux. Ça m’émeut et ça me fait du bien ».
Femme de lettres idolâtrant Colette, grande lectrice, romancière (trois livres portent sa signature), Juliette Arnaud a des goûts de solitaire. C’est en bande, cela dit, qu’elle s’éclate. Hier dans la mouvance de Charline, aujourd’hui dans La Dernière, sur Nova, aux côtés de Guillaume Meurice et Ramzi Assadi. « Un pur bonheur ».
Tomber amoureuse est ce qui m'est arrivé de mieux dans ma vie.
Dissimulés sous son habit de laine, trois tatouages noircissent ses avant-bras. Le premier est un vers de Rimbaud « Embrasser l’aube d’été » pour lui rappeler que « c’est la plus belle chose qui soit ». Elle promène, sous les traits du deuxième, le souvenir d’un bouledogue français prénommé Gros. « Je ne l’ai gardé que six ans. C’est le deuil qui ne se fait pas ». Une absence ajoutée à la peine causée par le décès de son père et son désir inassouvi d’enfant.
« Vivere ancora », enjoint le troisième ; « une chanson de Gino Paoli », traduit Juliette. Il y est question d’amour. « Cela me rappelle cette fièvre ahurissante, cette espèce de pulsation inhérente à la jeunesse. Tomber amoureuse est ce qui m’est arrivé de mieux dans ma vie ».
>> En 5 dates
6 mars 1973 : Naissance à Saint-Étienne. Juliette Arnaud est la fille d’un pilote de chantier et d’une prof’ de lettres. Inscrite en maternelle à l’école du Petit Coin, elle étudie à Tardy puis au collège Honoré-d’Urfé. En 1986, elle quitte Saint-Étienne pour le collège et lycée français de Rabat, au Maroc.
2002 : Année d’écriture et des premières représentations d’Arrête de pleurer Pénélope.
2012 : Année de publication de son premier roman, Arsène.
2015 : Attentats du Bataclan. « J’habitais dans le quartier, confie Juliette. Cela a changé nos vies intimement. C’est là que j’ai eu l’impression de dire “tchao ” à ma jeunesse ».
Septembre 2024 : Début d’une nouvelle vie avec le lancement de La Dernière, les dimanches soir sur Nova.
© Fifou