
[DOSSIER 1/4] Pompiers : jours et nuits à vos côtés
Vous composez le 18 : ils accourent. 2 800 pompiers forment le Service départemental d’incendie et de secours (Sdis). Une organisation fragile à préserver.
Publié le 3 mars 2025
Ce contenu vous est proposé en lien avec la Bibliothèque sonore de Saint-Étienne.
« Les pompiers j’écoute ». Une loupiote rouge s’allume dans l’open-space, signe qu’un opérateur a pris la communication. C’est une demande de secours à personne : une dame peine à respirer dans les allées de Centre Deux. « Pouvez-vous me donner son nom, son identité ? », questionne posément Nicolas, en réponse à ce que l’on devine de fébrilité dans le combiné.
Ce pompier professionnel a, pour intégrer le Centre d’appels (CTA), suivi une formation de quatre semaines. « Une nécessité, note le commandant Grégory Bert, responsable du service, éteindre un incendie et traiter une alerte au feu étant deux choses très différentes ».
Un véhicule est engagé. Il est 16 h 30. Nouvelle sonnerie. Nouvelle lumière. Un ascenseur en panne. « Le réparateur est en route, monsieur. Il faut patienter ».
Un écran, dans la pièce, tient le compte des cris de détresse. Le cumul journalier est actualisé : 843 SOS ; un chiffre qui ne dit rien de leur diversité. « Un risque technologique ou bactériologique ? On appelle les pompiers. Un cheval coincé dans une marre ? Les pompiers. Des grimpeurs bloqués sur une tyrolienne, des gens pris sous des gravats, des rues inondées ? Les pompiers, liste le contrôleur général Éric Meunier. Nous sommes chargés de rétablir l’ordre public, au même titre que les policiers et les gendarmes. Cela vaut pour les accidents du quotidien mais aussi pour les risques exceptionnels. »
L’incendie n’a jamais représenté qu’une infime minorité des opérations : 5 % en moyenne quand 80 % des sirènes enclenchées concernent du secours à la personne.
Effets insoupçonnés de la désertification médicale
« Le nombre d’interventions en la matière a explosé depuis les années 90 », confie Éric Meunier. Une conséquence de la désertification médicale. Parce qu’il est de moins en moins de médecins généralistes auxquels s’adresser « tandis que la réorganisation du système de santé privilégie les prises en charge spécialisées. Autrefois, nous conduisions nos proches aux urgences ; aujourd’hui, ce rôle est assumé par des transports sanitaires privés, souvent débordés. Les pompiers, eux, se retrouvent à gérer à la fois les transports de patients non urgents et les interventions d’urgence. »
Le vieillissement de la population et le dérèglement climatique ajoutent encore à la charge des Sdis (services départementaux) pris en tenaille entre des budgets à maîtriser et de fragiles ressources humaines.
Des secours départementalisés
Historiquement, les centres d’incendie et de secours étaient gérés par les municipalités. La départementalisation, en 1996, a changé la donne. Le Département finance aujourd’hui 47 % des dépenses (sur une enveloppe globale de 77 millions d’euros, le reste étant pris en charge par les communes). « Ces trois dernières années, l’institution a fait de gros efforts pour augmenter le budget », salue Éric Meunier.
71 casernes ont été conservées. « Un chiffre qui n’a rien d’énorme », commente le directeur. L’homme se bat au quotidien pour préserver son maillage territorial. Comment, sinon, garantir aux populations une présence sur site en 12 minutes et une force de frappe globale ? La tâche est loin d’être aisée ; 80 % de l’effectif est composé de volontaires. « C’est-à-dire de personnes dont le secours n’est pas le métier, mobilisées en plus de leur temps de travail et de leur vie de famille » .
Treize de ces engagés se partagent les astreintes à Rozier-en-Donzy. Le chef de centre, volontaire lui aussi, recrute. « Il me faudrait sept personnes de plus pour tourner confortablement ». Hommes et femmes sont mobilisables un week-end sur trois. « Dans les faits, nous nous rendons disponibles dès que nous sommes au village », confie Jennie Poncet, enrôlée en 2019. « J’entamais à l’époque une reconversion dans la profession d’aide-soignante. Je venais d’emménager. J’avais envie d’aider les autres et l’occasion m’était donnée de mieux connaître le bourg ».
Clément Chavanat a moins d’expérience. « L’idée me trottait dans la tête. Et puis mon père a fait un malaise le 24 décembre 2020. Quinze jours après, j’étais à la manoeuvre ».
On partage café et chocolats en salle de repos. En évidence sur la table, des bips, silencieux. Pour combien de temps ? En 25 ans, la sollicitation des sapeurs pompiers a progressé de 67 %. Un défi se dessine : celui de leur disponibilité en journée alors que le nombre d’interventions va croissant. « Heureusement que certains employeurs jouent le jeu, note Éric Meunier. Eux aussi participent du système de secours. Notre modèle est unique au monde et très précieux ».
En chiffres
48 849Le nombre de personnes prises en charge en 2024 dans la Loire, soit 6 % de la population. 77 M€Le budget du Sdis Loire, financé à 47 % par le Département. L'équivalent, en dépense, de 6,83 €/mois/habitant.1 278 €Le coût moyen d'une intervention, englobant le matériel, très onéreux.
Prix d'une grande échelle : 800 000 €.
Parole d'élu
Georges Ziegler
Président du Département et du Sdis
« La prévention fait partie intégrante des missions du Sdis. Depuis le mois de novembre, les collégiens de 4e sont formés au risque inondation et aux situations d’urgence. En classe de 3e, les élèves sont en plus initiés aux gestes de secours. C’est essentiel car les citoyens sont les premiers maillons de la chaîne. »
© Pierre Grasset, Hubert Genouilhac
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