
[UNE PAGE D'HISTOIRE] 100 ans de courses à Feurs
6 et 7 septembre 1925. 10 000 personnes assistent à l’inauguration du nouvel hippodrome en centre-ville de Feurs. Mémoire d’un succès populaire.
Publié le 26 mai 2025
Ce contenu vous est proposé en lien avec la Bibliothèque sonore de Saint-Étienne.
« Foule aux tribunes, foule au pesage, foule à la pelouse » (*). L’hippodrome de Feurs affiche complet ce 6 septembre 1925. 10 000 cloches et canotiers colorent le vert ambiant. Un soleil d’automne nimbe les calottes. On invite les turfistes, en habits du dimanche, à se rapprocher du champ de course.
4 000 francs sont promis au vainqueur dans le Prix du commerce et de l’industrie. Beaucoup ont parié sur « Vichy » ; donné favori. Las, le cheval n’est pas en forme. « Onze à cœur » prend le lead dans le premier tour, suivi de « Sarcieux » et « Sébastopol ». Dans le public, on s’agite, on s’époumone. Les trotteurs rivalisent de hargne et d’efforts mais voici l’arrivée : « Onze à cœur » triomphe sur le poteau. Scènes de liesse, mines défaites. Les perdants vite oublient leur déception ; neuf courses sont encore au programme de ce week-end inaugural.
Les réunions, jusqu’ici, se tenaient à Civens, sur un terrain aménagé par Francisque Balaÿ et le marquis de Poncins. Fondateurs de la Société hippique, les deux hommes entendent en 1858 stimuler l’élevage forézien par le spectacle (seules sont autorisées à courir les bêtes nées dans la Loire). Au préfet, réticent, preuve est rapidement donnée qu’il sera possible d’en remontrer au Nord de la France (le Forez occupe aujourd’hui le deuxième rang national pour l’élevage de trotteurs derrière la Normandie).
Les écuries se développent, les « journées de septembre » font le plein mais le champ de course vieillit et finit par manquer de praticité. Un nouvel équipement est projeté début XXe.
Une piste de 1 325 mètres en forme de huit
Propriétaire du parc des Minimes, la municipalité consent à fournir le foncier. Elle se porte caution d’un emprunt de 130 000 francs. 147 souscripteurs cassent en plus leur tirelire pour garantir la création d’une piste de 1 325 mètres en forme de huit, avec passage de rivière pour les amateurs de steeple-chase.
Saut, trot, galop… Les trois disciplines disposent d’épreuves à Feurs. Et l’engouement est au rendez-vous. Plus de 3 000 billets ont été vendus, en ce jour d’inauguration, par les gares de Roanne et Lyon-Perrache. Chacun s’est en plus acquitté du prix d’entrée : 3 francs pour la pelouse, 5 pour les gradins. Le « Chantilly du Forez » porte admirablement son nom.
Petit Vincennes
Gérard Vacher parle aujourd’hui plus volontiers de « petit Vincennes ». L’actuel président de la Société hippique loue l’extraordinaire qualité de la piste (spécialisée dans le trot depuis les années 90, dotée, comme à Paris, d’une corde à gauche, d’une petite descente et d’une petite montée), les conditions d’accueil (tous les membres de la Société hippique sont bénévoles) et l’engouement suscité par les rencontres (au nombre de neuf dans l’année). « Rien à voir avec le galop à Deauville. Il n’y a pas plus populaire qu’un hippodrome de trot. »
Chronologie
3 choses à savoir sur
Arme de guerre
Les soldats de Napoléon Ier ne pouvant livrer bataille à pied, on cherche au XIXe de nouvelles régions d’élevage équin. Le maire de Feurs est approché. Aux services de l’Empereur, il écrit que « peu de départements sont plus propres que celui de la Loire à l’éducation des chevaux de selle ». Mais les Haras nationaux échouent à implanter des stations. En 1857, le préfet a l’opinion tranchée : à l’armée il indique n’avoir pas de territoire adapté. Il faut toute la détermination de Francisque Balaÿ et d’Emmanuel de Poncins pour réussir à développer une activité équine.
Noble jockey
Fondateur de la Société hippique, Emmanuel de Poncins possède son propre élevage de pur-sang au Haras des places à Saint-Cyr-les-Vignes. Premier de la lignée, « Vert galant » a rejoint le haras en 1861. Le marquis, bon cavalier, ne se contente pas de faire courir à Civens. Il monte certains de ses chevaux et remporte ainsi plusieurs épreuves pour gentlemen. Grand seigneur, l’homme prête parfois ses animaux dans les épreuves réservées aux fermiers pour que les jeunes exploitants puissent faire l’expérience du turf.
Ancien cimetière
On choisit pour établir le nouvel hippodrome de Feurs un terrain légué par la marquise de Boubée (l’ancien tènement du couvent des Minimes tombé dans l’escarcelle de la famille après la Révolution). La marquise avait coutume d’y faire enterrer ses chiens. Deux pierres tombales commémorent ce souvenir.
© Archives départementales de la Loire - Fonds Valla